dimanche 15 août 2010

Chahdortt Djavann - De la tolérance

Chahdortt Djavann

"Bas les voiles !" 

Le livre choc de la rentrée littéraire de 2003, paru chez Gallimard.

Chahdortt Djavann est iranienne. Le ton est donné dès les premières lignes : "J'ai porté dix ans le voile. C'était le voile ou la mort. Je sais de quoi je parle."

J’avais mis un signet à la page concernant la tolérance et le respect, la relisant ce soir dans l'idée de la publier sur ce blog, j’ai poursuivi ma lecture, et j’ai trouvé que son avertissement concernant les vrais problèmes prenait tout son sens à la lumière des dérives actuelles du gouvernement…

Je souscris totalement à son interprétation de la tolérance, lisez plutôt :

La tolérance et le respect sont deux mots galvaudés. A force d’entendre dire qu’il faut respecter tout et son contraire, on ne respecte rien ni personne. Comment pratiquer la tolérance sans sombrer dans le relativisme ? Etre tolérant, il me semble, c’est admettre que l’autre peut se tromper et qu’il en a le droit. J’en reviens au sujet brûlant, celui de la religion. Pour moi, aucun livre saint, aucune religion n’est jamais tombé du ciel, aucune parole n’est sacrée et tous les avocats d’Allah ou de Dieu (mollahs, rabbins, curés et autres exégètes autoproclamés de la parole divine) devraient avoir des préoccupations plus directement terrestres. Mais j’admets que les représentants des religions et ceux qui les suivent puissent se tromper et penser le contraire de ce que je pense. Je ne leur demande que la réciproque : qu’ils respectent mon droit à ne pas penser comme eux, à penser faussement, à me tromper selon leurs critères. Ce que je respecte, ce n’est pas la croyance de l’autre, une croyance à laquelle je n’adhère pas, mais son droit à l’avoir, son droit à la liberté. Ce que chacun de nous doit respecter, c’est l’être humain en tant qu’individu libre de penser et de vivre sa vie comme il l’entend, hors de toute contrainte.

De ce point de vue, je trouve inquiétante la tendance du langage politique, sous l’influence d’une sociologie molle, à enfermer les immigrés dans un communautarisme à base religieuse ou ethnique. On dit toujours, par exemple, qu’il y a quatre millions de musulmans en France. Mais une majorité de ces « musulmans », je le répète, se déclarent religieusement indifférents et beaucoup ont quitté leurs pays pour fuir l’islam. Condamnés à mort chez eux, vont-ils se voir assignés au communautarisme religieux et réduits au silence dans les pays démocratiques ?
Le bruit fait autour du voile ne doit pas être un moyen d’éluder les vrais problèmes que sont l’inégalité économique, le logement, la ghettoïsation et l’éducation. Les responsables politiques ne doivent pas renoncer à leurs responsabilités, abandonner les immigrés à eux-même dans des ghettos chaque jour plus éloignés de la société française, laisser se créer, comme en Angleterre ou aux Etats-Unis, des petits tiers-mondes localisés.
Ce que je demande, c’est une attention plus grande aux problèmes rencontrés par les immigrés – attention d’autant plus nécessaire que, semble-t-il, d’ici à quelques années l’Europe aura besoin d’une nouvelle main d’œuvre étrangère. Faute de cette attention, la violence et l’insécurité vont croitre, malgré les dispositifs prévus, l’impunité zéro, le renforcement du service policier et les prisons plus vastes. Un système de répression n’a jamais dissuadé les délinquants ni même servi réellement à réduire la violence ; On le voit bien dans les pays du tiers-monde, où la moindre infraction et la moindre dérive des adolescents et des enfants sont sévèrement punis et où pourtant la violence et l’insécurité font partie intégrante de la société. Faute de cette attention aux vraies raisons de la violence, on verra se développer, subtilement associés et objectivement complice, l’un nourrissant l’autre et réciproquement, le discours islamiste et celui de l’extrême droite. 



Elle avait raison en 2003. Elle a plus que jamais raison en 2010.

Voici mon passage préféré : 

"Mais j’admets que les représentants des religions et ceux qui les suivent puissent se tromper et penser le contraire de ce que je pense. Je ne leur demande que la réciproque : qu’ils respectent mon droit à ne pas penser comme eux, à penser faussement, à me tromper selon leurs critères. Ce que je respecte, ce n’est pas la croyance de l’autre, une croyance à laquelle je n’adhère pas, mais son droit à l’avoir, son droit à la liberté. Ce que chacun de nous doit respecter, c’est l’être humain en tant qu’individu libre de penser et de vivre sa vie comme il l’entend, hors de toute contrainte."


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